Le Surréalisme

Du rêve - André Breton Mais la lumière revient Le plaisir de fumer L'araignée-fée de la cendre à points bleus et rouges N'est jamais contente de ses maisons de Mozart La blessure guérit tout s'ingénie à se faire reconnaître je parle et sous ton visage tourne le cône d'ombre qui du fond des mers a appelé les perles Les paupières les lèvres hument le jour L'arène se vide Un des oiseaux en s'envolant N'a eu garde d'oublier la paille et le fil A peine si un essaim a trouvé bon de patiner La flèche part Une étoile rien qu'une étoile perdue dans la fourrure de la nuit New York, octobre 1943. Du rêve, poème d’André Breton, est un texte décidément surréaliste où on peut retrouver les thèmes du rêve, de l’inconscient et de l’imagination, où on peut déceler des teintes surnaturelles. De plus, son manque doximité des motifs de la rêverie et des cigarettes, et dirige le lecteur vers la perception de délicatesse associé depuis l’Antiquité aux araignées, aux tapisseries d’Arachné, de la supériorité de l’instinct sur la raison, de la spontanéité sur le préconçu, des motifs qui, bien qu’implantés dans le dadaïsme, seront aperçus à travers l’oeuvre surréaliste de Breton. «Ses maisons de Mozart,» donc, édifices arachnéens établis par Sardou, récapitulent la légèreté toujours insuffisante, l’objectif final recherché par le poète, l’atteinte du niveau de supériorité qu’a le naturel sur l’humain. Ce poème comporte aussi certains des thèmes principaux exploités par Breton dans son oeuvre: l’araignée et l’oiseau. Ces êtres ensemble représentent pour lui les idéaux, les modèles de la création humaine, comme Démocrite avant lui. La recherche de la légèreté des arachnides ou alors tout simplement l’envol littéral que peut prendre un oiseau sont des objectifs que les poètes de l’école de Breton tenteront souvent d’atteindre par la poésie. Breton, dans ce poème, crée véritablement un deuxième monde dans son poème, où il faut une grande connaissance du contexte poétique de l’époque et du genre pour déceler les intentions de l’auteur. Il faut savoir lire plus que les mots dans ce poème. Comme le dit Paul Valéry, «La poésie, c’est le langage dans le langage»; en parsemant le texte de deuxième sens, Breton force le lecteur à prendre conscience de ce qu’il lit et à parler la langue des surréalistes.e structure, l'absence de rimes et l’irrégularité de ses vers se distingue tout à fait comme un poème surréaliste qui ne cherche pas à établir le contenant de l’art, mais le contenu. Ce texte est noyé de métaphores, un sens différent pouvant être décelé après chaque relecture (et un peu de recherche, bien sur!). Au réveil d’un rêve (le retour de la lumière, donc), le sujet prend plaisir à fumer, une métaphore ici liée au lien entre le rêve, l’inconnu, et la fumée des cigarettes tant prisées par les auteurs surréalistes. Il fume pour replonger dans ce rêve, rêve qui prend la dimension poétique qui lui donne une telle importance. «L’araignée-fée de la cendre à points bleus et rouges,» donc, exprime la pr PORTE DU SECOND INFINI de ROBERT DESNOS À Antonin Artaud L’encrier périscope me guette au tournant mon porte-plume rentre dans sa coquille La feuille de papier déploie ses grandes ailes blanches Avant peu ses deux serres m’arracheront les yeux Je verrai que du feu mon corps feu mon corps ! Vous eûtes l’occasion de le voir en grand appareil le jour de tous les ridicules Les femmes mirent leurs bijoux dans leur bouche comme Démosthène Mais je suis inventeur d’un téléphone de verre de Bohême et de tabac anglais en relation directe avec la peur ! Porte du second infini de Robert Desnos est un autre poème surréaliste qui, à l’instar d’André Breton, parle du rêve et du surnaturel de façon assez abstraite. Une fois de plus, la présence de rimes ou de forme de vers est négligée.Tout en restant contemporain de par le refus de suivre les conventions de rime ou de forme, il y a une plus grande quantité de figures de style classiques. Bien que le thème du rêve ne soit pas instantanément discernable, il est facile de faire le rapprochement. Ce texte, fragmenté en deux, passant d’une série de fresques surréalistes à un discours dirigé vers le lecteur. «VOUS eûtes l’occasion de le voir en grand appareil le jour de tous les ridicules…». Par l’exacerbation de ses sentiments, Desnos nous présente un univers de magie, de rêve, du subconscient, avec des vers tels: Mais je suis inventeur d’un téléphone de verre de Bohème et de tabac anglais en relation directe avec la peur! Dans le premier paragraphe, la présence du parallélisme des 3 premiers vers, soit des comparaisons entre l’écriture et la mer (encrier-périscope, porte-plume_coquille, feuille de papier-grandes ailes blanches) nous envoient dans un univers de rêve et plongent le lecteur dans l’état vraisemblablement troublé de Desnos, qui non seulement dédie ce poème à Antonin Artaud, mais parle de l’écriture, de la poésie (l’encrier, le porte-plume, la feuille de papier; toutes des synecdoques pour parler de l’écriture en tant que tel) en tant qu’une entité qui lui arrachera les yeux: «Je n’y verrai que du feu mon corps feu mon corps»Une passion qui le rend aveugle, la poésie. Dans le rêve par contre, il peut voir. Le poète maudit moyen des années 40 recherche toujours le refuge du subconscient de l’univers de magie du rêve. Desnos, par ce poème, nous exprime la hantise qu’il éprouve envers l’écriture, cette relation amour/haine avec la poésie, préférant peut-être un système moins actif, l’automatisme, un moyen de laisser son subconscient prendre le dessus, de laisser le rêve vivre dans le monde des éveillés. Il est «…en relation directe avec la peur!». Comme le dit Jacques Prévert, «La poésie, c’est ce qu’on rêve, ce qu’on imagine, ce qu’on désire et ce qui arrive, souvent»; en laissant ses rêves, son imagination prendre le dessus, Desnos crée ici une oeuvre sublime qui fait réfléchir, qui fait rêver. PREMIERS TRANSPARENTS d'ANDRÉ BRETON Comment veux-tu voici que les plombs sautent encore une fois Voici la seiche qui s'accoude d'un air de défi à la fenêtre Et voici ne sachant où déplier son étincelante grille d'égout Le clown de l'éclipse tout en blanc Les yeux dans les poches Les femmes sentent la noix muscade Et les principaux pastillés fêtent leur frère le vent Qui a revêtu sa robe à tourniquet des grands jours Mandarins à boutons de boussoles folles Messieurs les morceaux de papiers se saluent de haut en bas des maisons. Premiers transparents d'André Breton est un poème qui semble ne pouvoir être interprété qu'au niveau du rêve. La forme abandonnée une fois de plus, les rimes prenant le bord pour permettre au poème de respirer librement, ce poème est ancré dans le surnaturel et dans l'impossible et offre une vision distordue qui puise dans l'essence des thèmes surréalistes: le rêve, le transport vers un autre univers, etc.. Ce bloc de texte ahurissant passe d'une idée à l'autre, tel le regard d'un individu à travers la ville. Ces passages, comme les réflexions faites lors d'un rêve, semblent n'avoir aucun lien entre elles, la pensée de l'auteur se portant spontanément d'une idée à l'autre, son regard passant d'un objet à l'autre comme s'ils étaient transparents. Les figures de style portent elles aussi vers un monde de songe et nous transportent loin du réel, le «clown de l'éclipse tout en blanc» amenant notre pensée vers la nuit. Ce texte a aussi une synesthésie, qui aide plus encore a nous mener plus loin encore de la réalité, les «femmes sentent la noix de muscade», «les principaux pastillés fêtent leur frère le vent» et, bien sûr, «la seiche s'accoude d'un air de défi à la fenêtre.» Breton stimule ainsi notre odorat, notre sens du toucher et notre vision pour contribuer à la désincarnation qu'on éprouve, au voyage vers le métaphysique recherché par les surréalistes. Breton, par ce poème, cherche simplement à nous transporter, à nous permettre d'accéder à la suprématie poétique permise par le rêve, à accéder au tout-puissant par l'art. Comme le dit Louis Zukofsky, «Toute la poésie, c'est cela. Soudain, on voit quelque chose.» Breton veut nous montrer ce qu'il voit, ou du moins, ce qu'il veut voir. Il crée cette vision surréaliste qui représente, à elle seule, un courant de pensée.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire